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Rapport d’étude : En Guinée, un nombre inquiétant d’enfants sont victimes de traite

Monday, June 26, 2023

Traite et travail des enfants en Guinée

 

         
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Selon une nouvelle étude du Centre de recherche et de sensibilisation sur la traite des êtres humains (CenHTRO) de l’Université de Géorgie, un nombre inquiétant d’enfants guinéens sont victimes de traite ou de travail des enfants.  

En effet, suivant la collecte de données menée dans deux régions de l’Afrique de l’Ouest où la traite des enfants est la plus répandue (à savoir Boké et Mamou), l’étude permet d’estimer que 63 % des enfants (âgés de 5 à 17 ans) à Boké et 67 % des enfants à Mamou ont été victimes de traite. De plus, les taux de travail des enfants atteignent 66 % à Boké et 70 % à Mamou.  

Des enquêtes auprès des ménages, des entretiens avec des informateurs clés et des discussions de groupe ont contribué à l’étude intitulée « Traite et travail des enfants en Guinée : une étude à méthodes mixtes » (PDF),  et financée par le Bureau américain de surveillance et de lutte contre la traite des personnes du Département d’État des ÉtatsUnis d’Amérique. Cette étude constitue la première recherche systématique sur ce thème en Guinée et a été réalisée avec des partenaires de recherche basés en Afrique de l’Ouest. 

Le travail domestique, la vente ambulante et le travail agricole sont les formes les plus fréquentes de traite d’enfants guinéens, tandis que les survivant·e·s et les parents interrogés dans le cadre de l’étude ont décrit des situations où les enfants sont victimes de plusieurs formes de traite. 

Statistiques relatives à la traite et au travail des enfants en Guinée 

Statistiques relatives à la traite et au travail des enfants en Guinée

Les survivant·e·s ont également indiqué que les auteurs de la traite utilisaient plusieurs formes de force, de fraude et/ou de coercition pour les maintenir dans des situations de traite. Ces formes incluent les menaces physiques, les fausses promesses d’opportunités éducatives et/ou la privation de nourriture.  

L’étude cite le transport de charges dans la rue (transporter des charges lourdes sur de longues distances) comme le travail dangereux auquel les enfants ont été fréquemment confrontés. Les conditions de travail dangereuses comprennent le port de charges lourdes, l’exposition à des conditions météorologiques extrêmes, à la poussière, aux fumées et/ou aux gaz.  

« Bien que choquants, ces résultats ne nous surprennent absolument pas. La Guinée est l’un des pays les plus pauvres du monde et la pauvreté constitue un facteur de risque majeur pour la traite et le travail des enfants. La pauvreté au niveau national et au niveau des ménages rend les enfants vulnérables à toutes sortes d’exploitation », a déclaré David Okech, directeur du CenHTRO, professeur de travail social et chercheur principal de l’étude. 

Statistiques relatives à la traite et au travail des enfants en Guinée

Vulnérabilités 

Les enquêtes auprès des ménages ont indiqué que les garçons étaient légèrement plus exposés au risque d’être victimes de traite, notamment à Mamou. Les enquêtes ont également montré que les enfants âgés de 12 à 17 ans, les enfants mariés, les enfants qui participent aux dépenses du ménage et les enfants non scolarisés étaient plus nombreux à être victimes de la traite. D’après les entretiens avec des informateurs clés, les populations particulièrement vulnérables comprennent les enfants placés de manière informelle, les orphelins et les orphelines, les enfants migrants et les enfants âgés de plus de 14 ans. 

Lacunes et défis 

Les informateurs clés ont suggéré que la législation actuelle ne réglemente pas le secteur du travail domestique, ce qui rend difficile l’intervention des autorités dans les cas de traite d’enfants. En effet, bien que le Code pénal guinéen ait été révisé pour réprimer les délits liés à la traite d’enfants, l’absence d’une loi nationale, les lacunes de la législation actuelle et l’insuffisance des sanctions ont été signalées dans les entretiens. Par ailleurs, les personnes interrogées ont noté que les ressources actuelles consacrées à la lutte contre la traite étaient faibles et donc non pérennes, et qu’il était par conséquent nécessaire de mieux faire connaître la manière de dénoncer les cas de traite d’enfants. Les personnes interrogées considèrent qu’il est difficile de poursuivre les trafiquants à cause de la corruption et des ingérences. Le manque de collaboration entre les agences constitue également un obstacle à une lutte efficace contre la traite des êtres humains.  

Recommandations 

Sur la base des informations communiquées par les parties prenantes, le rapport d’étude propose une série de recommandations pour lutter contre la traite et le travail des enfants en Guinée.  

Une meilleure sensibilisation du public aux législations en vigueur et le développement ciblé de centres de jeunesse et d’écoles dans les zones rurales sont essentiels pour prévenir la traite d’enfants.  

La formation des acteurs du système de protection de l’enfance (magistrats, avocats, police, etc.) ainsi que la mise en relation des survivant·e·s avec des agences qui leur proposent des opportunités d’emploi, un soutien financier et émotionnel contribueront à protéger les survivant·e·s.  

La modification des politiques actuelles afin d’y intégrer les situations spécifiques dans lesquelles la victime est un enfant et encourager la participation des survivant·e·s au processus juridique amélioreront les poursuites judiciaires dans les affaires de traite.  

Le renforcement des partenariats entre tous les secteurs de la société permettra également d’améliorer les résultats. 

« Les participant·e·s à l’étude ont estimé qu’il était essentiel de donner la parole aux survivant·e·s pour renforcer les interventions et harmoniser les politiques et leur mise en œuvre entre les acteurs locaux et régionaux afin de réduire de manière significative la prévalence de la traite des enfants. Les connaissances des parties prenantes et leur engagement pour améliorer le bien-être des enfants et leur accès aux opportunités en Guinée ont été mises en évidence dans ce rapport et pourraient être utilisées comme feuille de route pour développer des stratégies pratiques destinées à réduire et prévenir la traite d’enfants via une approche communautaire axée sur les survivant·e·s », a déclaré Anna Cody, chercheuse au CenHTRO. 

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 À propos de la Guinée 

Dans son rapport annuel sur la traite des personnes dans le monde 2017, le Département d’État des ÉtatsUnis d’Amérique a classé la Guinée au niveau le plus bas, à savoir la liste de surveillance de la catégorie 3. Toutefois, compte tenu des efforts significatifs du pays pour rédiger et approuver un Plan d’Action National pour lutter contre la traite, le Département d’État des ÉtatsUnis d’Amérique a récemment inscrit le pays sur une liste de surveillance à un niveau légèrement amélioré. 

En octobre 2021, un coup d’État militaire a entraîné la suspension du gouvernement et de la Constitution guinéenne. Un Conseil National de la Transition (CNT), dirigé par la junte militaire au pouvoir, a décrété un plan de transition de 36 mois avant la tenue de prochaines élections. Les conséquences de ce changement drastique au sein du gouvernement guinéen ont été considérables, entraînant une rupture des relations entre la Guinée et la communauté internationale. Dans le cadre de cette étude, le CenHTRO a achevé la collecte des données avant le coup d’État. En dépit de ces changements, le CenHTRO reste déterminé à diffuser ce rapport dans l’espoir que ses conclusions et recommandations seront utiles aux décideurs politiques guinéens et aux membres de la communauté qui travaillent activement à la reconstruction d’une Guinée démocratique.  

D. Okech souligne ainsi : « Bien que nous n’avons pas été en mesure de transformer nos conclusions en interventions politiques et programmatiques en Guinée en raison de circonstances indépendantes de notre volonté, le gouvernement guinéen, les organisations non gouvernementales internationales et les organisations non gouvernementales dans le pays disposent du rapport pour commencer à traiter ce problème ». 

Télécharger le rapport au format PDF.   (PDF)

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